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En ouvrant le débat d’orientation et de programmation des finances publiques, le 21 octobre, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a reçu d’inhabituels applaudissements de sa gauche. Elle venait de fustiger le pouvoir exécutif pour le retard avec lequel le plan budgétaire avait été transmis : « La communication tardive, un dimanche, à la veille du débat, d’un document provisoire, n’est pas satisfaisante. (…) Je demande au gouvernement de veiller à ce que les droits du Parlement soient davantage respectés. La démocratie est un bien précieux, et j’invite chacun à ne pas la fragiliser. »
Le débat budgétaire est aussi ancien que le système parlementaire lui-même. Né en Angleterre après la « glorieuse révolution » de 1688, il entérine le principe selon lequel les dépenses et les revenus publics doivent être approuvés par la Chambre des communes. Au cours du XVIIIe siècle, il se ritualise et devient un moment privilégié de la vie parlementaire. Le terme « budget », emprunté à l’ancien français « bougette » et désignant un simple sac, prend alors son sens moderne. Chaque année, le chancelier de l’Echiquier prend l’habitude d’ouvrir son budget devant la Chambre afin de marquer le début des débats. Une ouverture pas seulement métaphorique : les documents sur l’état des dépenses et des recettes doivent tous avoir été préalablement déposés dans une boîte. Le « budget » est désormais le contenu de cette boîte. Imprimé de plusieurs pages comprenant tableaux de chiffres et phrases explicatives, il s’agit d’un véritable raisonnement diagrammatique censé indiquer l’avenir, que le chancelier de l’Echiquier pouvait brandir en geste d’autorité.
Le premier ministre William Pitt « le jeune » (1759-1806), également à la tête des finances britanniques entre 1783 et 1801, fait du discours annuel d’ouverture du budget un morceau d’éloquence où il impressionne par sa maîtrise des détails techniques comme par sa hauteur de vue. Le débat budgétaire devient avec lui une performance théâtrale. C’est aussi un acte politique important, où se décide le destin des nations, comme lorsque Pitt convainc le Parlement, le 3 décembre 1798, de voter un nouvel « impôt sur le revenu » afin de financer une guerre susceptible de mobiliser toute l’Europe contre la République française.
En 1853, le chancelier de l’Echiquier William Gladstone, virtuose de l’exercice, ouvre son budget par un discours de près de cinq heures dans lequel il explique qu’il se donne sept ans pour éliminer l’impôt sur le revenu. De cette façon, promet-il, on fera fondre l’endettement national et on facilitera la paix dans le monde, tout en consolidant le crédit de l’Etat. Sans avoir tout à fait tenu sa promesse, il se fera fabriquer en 1860 une petite valise en bois recouverte de cuir rouge, la budget box, qui accompagne depuis lors chaque ouverture du budget.
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